dimanche 6 septembre 2015

Réfugiés et philatélie : entre humeur et thématique

En ces temps troublés, qui peuvent évoquer à certains les années trente, de l'autre côté de la mer Méditerranée, des régimes autocratiques du Moyen-Orient à l'Érythrée oppressent les peuples qu'ils sont censés protéger, des aspirants au génocide se moquent autant des frontières d'inspiration occidentale que de la dignité humaine, féminine et religieuse, un membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord paraît jouer double jeu dès que la question kurde apparaît.
Le timbre de la poste algérienne pour la Journée mondiale des réfugiés, émis en juin 2015 : certains n'y voient qu'une nouvelle gaffe plagiaire d'un opérateur incompétente quant le mélange de photographies de l'Espagne des années 1930 et des Libyens des années 2010 rappellent - involontairement ? - la permanence des problèmes d'un vingtième siècle qui n'en finit plus... (site d'Algérie Poste).
De ce côté-ci, les années trente paraissent inspirer autant une masse d'indifférence, entre de généreux citoyens d'un côté et des sérieusement fascisants de l'autre lorsque, après quatre ans et demi, des milliers de Syriens renoncent à survivre dans la pire des guerres civiles, celle qui divise une nation en trois parties opposées pendant que la communauté internationale tourne en rond incapable de choisir quel camp ou duo de camps aider, coincée entre droit international des Nations unies, jeu des puissances grandes et moyennes dans une recréation meurtrière de la guerre civile espagnole depuis les volontaires exaltés jusqu'aux voisins participant.

Points auxquels, depuis plusieurs mois, d'après la direction occidentale prise par les réfugiés, il faut rajouter les interrogations des membres de l'Union européenne sur leurs valeurs supposées communes et un espace de circulation commun quand ça arrange.
Larry Wilmore, du Nightly Show de la chaîne Comedy Central, sur comment Jed Bush tente de faire oublier les aventures militaires de son frère (page Facebook de l'émission, cinq septembre 2015).
Finissons aux États-Unis cette liste à la Prévert, avec un candidat floridien à la primaire républicaine qui, en traduisant l'humoriste Larry Wilmore, admet qu'il aurait fait la même chose, entre Afghanistan et Irak, que son frère quand celui-ci « démoula un gros bronze bien puant, sans tirer la chasse d'eau, tout en cassant la cuvette » tout en reprochant maintenant à celle qui eut à en gérer les conséquences d'avoir effacé des mails.

Soyons tristement optimiste : après des flux de réfugiés, les guerres du Vietnam, de Yougoslavie et du Rwanda ont bien fini par être stoppées entre efforts des bonnes volontés locales là-bas et ici, et coups de poing plus ou moins tardifs et inspirés des puissances occidentales - avec ou sans l'aide des deux puissances orientales.



Revenons aux timbres et courriers sur le thème des réfugiés.



Évidemment, tous les timbres sur le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés et marquant ses manifestations de prise de conscience peuvent s'accumuler depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme ceux célébrant les organisations non gouvernementales qui apportent aide et soin d'urgence, tels Médecins sans frontières ou la Croix-Rouge française.
Au lieu des Trésors de la philatélie à forte valeur faciales, voilà un des timbres à réemettre pour la lettre de moins de vingt grammes (Phil-Ouest.com). Si vous préférez la chanson : Goldman peut être utile de nos jours.
Les États d'Europe ont émis des timbres sur ce thème, avec surtaxe de bienfaisance, avant. Phil-Ouest.com permet de retrouver ceux de France : l'aide aux réfugiés de 1936 au timbre d'usage courant surchargé en novembre 1939 pour permettre aux réfugiés espagnols d'écrire en franchise postale.

Une philatélie thématique vaste qui peut animer des citoyens, comme au sein de l'association normande Philapaix. C'est bien peu comme geste, mais c'est déjà bien plus sur un chemin menant de Damas à la sécurité où des familles ont affronté les dangers des mers, l'hermétisme des frontières, le tunnel sous la Manche, et depuis cette semaine, les terminus des gares et les autoroutes parcourus à pied.

Sûrement, on y ajoutera l'ensemble des timbres émis pour soutenir les réfugiés et la cause palestinienne dans de nombreux pays à majorité musulmane, même si ces soutiens gouvernementaux seraient à questionner par les historiens pour leur efficacité relative, voire leur hypocrisie : combien de Palestiniens sont maintenus dans le statut de réfugié, sans droit à l'intégration, par les États qui les ont accueillis, dans l'idée qu'ils retourneront en Palestine ? Jetez un œil à la page aide d'Atout timbres du quinze juillet 2015 décrivant la litanie de ces timbres obligatoires dans l'Irak de Saddam Hussein.

Probablement, comme le thème discret des bureaux de poste de l'apartheid sud-africain, peut-on retrouver dans les oblitérations et le contenu de lettres et de cartes postales quelques courriers postés par des réfugiés depuis leurs camps ou la ville voisine soit dans l'urgence de donner quelques nouvelles rassurantes ou dès qu'il est possible de se poser ?

Et ce, depuis le génocide arménien ? Avant ? Et les courriers des prisonniers des camps nazis ?
Après que le régime de Salazar a conduit la famille Sousa Mendes à la ruine ou à l'exil d'une partie de ses enfants, la République du Portugal a pu honorer la mémoire du consul de Bordeaux en 1995 : malgré les ordres, il avait accordé un visa permettant la traversée de l'Espagne vers le Portugal à tous ceux qui en demandaient, signant tous les bouts de papier possibles, même dans sa voiture le long des files de réfugiés jusqu'à la frontière.
Les justes ne manquent pas non plus, même si la thématique sera d'abord centrée sur les consuls ayant œuvré dans l'Europe sous menace nazie - les liens mènent au timbre qui les honore : le diplomate suédois et martyr du stalinisme Raoul WallenbergGilberto Bosques consul mexicain à Marseille, Aristides de Sousa Mendes consul portugais à Bordeaux ou, disparu le premier juillet dernier et qu'une pétition va permettre la timbrification dès 2016, le Britannique Nicholas Winton. Et je dois en oublier...

Le sujet est bien sérieux philatéliquement au point d'avoir inspiré un article de la Revue européenne des migrations internationales, en 1996, rédigé par le chercheur documentaliste Gilles Dubus... et librement consultable sur le site de l'éditeur Persée (ou sur la future version de son site).

Quant à la peur de « l'invasion », du « grand remplacement » ou du « dégât des eaux » - la dernière citation provenant du champion des collectionneurs français de timbres <sigh>-, Indochinois installés en France suite à l'instauration de pouvoirs communistes, Yougoslaves arrivés dans les années 1990 posent-ils problèmes d'intégration ? Pas de ce que je peux témoigner dans mon ancienne vie en Île-de-France. Va-t-on renvoyer le chanteur Corneille au Rwanda ? S'interroger si Stromae est une fuite incommodante dans la maison Europe ? Si grande maison européenne que ses habitants peuvent oublier qu'elle a largement « débordé », à cause d'une démographie incontrôlée, sur tous les continents entre la fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècle ?

Retournons au village de Cacao, en Guyane française à travers les articles de ce blog des trente-et-un juillet et vingt-six décembre 2009 puisqu'on y trouve un bureau de poste. Y vivent, depuis les années 1970 et leur fuite des persécutions liées à une division sociale de bases raciste, coloniale, frigobelliqueuse, des Hmongs, ce qui a permis de faire revivre un hameau potager : une petite communauté permettant d'aider à l'autosuffisance du département d'outre-mer français. Et là continue la vie entre traditions asiatiques, vie dans la forêt guyanaise et valeurs de la République, comme le montrent les activités des élèves de l'école primaire Les Citronniers qui proposent même le cd-rom de présentation de Cacao, expédié par La Poste.

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