lundi 21 décembre 2015

Envoyé spécial et les colis du Père Fouettard

Entre jeudi dix-sept et dimanche vingt décembre 2015, les filiales de livraison de colis du groupe français La Poste sont passées du Père Noël sonnant opportunément avec le colis tant attendu au Père Fouettard que les journalistes de la chaîne de télévision publique France 2 sont allés cherchés au petit matin.
Logotype de l'émission de reportages du jeudi soir de la chaîne publique France 2.
Hier, vingt décembre, La Poste et ses facteurs volontaires ont profité d'une publicité gratuite avec les trois heures de livraison dominicale dans une poignée de villes de France : facteur livrant un colis, particulier étonné mais content de recevoir un colis un dimanche, syndicaliste exprimant un point de vue opposé, fermer le rideau, passons aux résultats de la dernière journée de football...

Joli coup, bien tourné : c'est juste un essai pour voir si c'est rentable et voulu par les destinataires, mais qui s'inscrit dans une logique libérale que l'ancien président du groupe, Jean-Paul Bailly, voyait aux États-Unis et au sein d'une commission sur le travail du dimanche.

Avec les images tweetées officiellement par La Poste de facteurs entourés de comédiens déguisés et portant leurs commandes de produits Star Wars à d'heureux clients, quel beau mois de communication.


Hélas, trois soirs plus tôt, Envoyé spécial de France 2 plongeait « dans les coulisses des livraisons » que vous pouvez encore regarder en rediffusion sur le site jusqu'à jeudi après-midi.

Les journalistes ont suivi, en Île-de-France, les patrons et les employés des entreprises de sous-traitance en contrat avec Coliposte (La Poste bleu et jaune) ou avec Chronopost (pas exactement La Poste mais une partie quand même, c'est compliqué les firmes capitalistes...) : des compatriotes de « La France qui se lève tôt », qui veulent bien travailler dur et que l'ancien omniprésident l@téliste promit vainement de ne rencontrer qu'avec un jet d'eau sous pression en main, se précipitant au dépôt postal pour six heures pétantes, triant eux-mêmex les colis, se jetant dans les rues et avenues des arrondissements parisiens et de sa banlieue.

Au fur et à mesure, les règles du contrat avec La Poste et ses filiales apparaît dans les témoignages : respecter les horaires limites (le treize heures sacré par exemple) pour une somme dérisoire par colis ou c'est l'amende équivalente au forfait dérisoire ! Et, fliqués par les tablettes-scanners, désespérés d'être payé, ils innovent dans les trucs pour gagner du temps... Le spectateur comprend mieux pourquoi le facteur ne sonne plus avant de laisser un bon de passage ou que les colis aient pas toujours leur forme parallélépipède rectangle.

Enfin, les patrons sous-traitants se retrouvent obligés de promettre une paie coupée en deux, entre un salaire déclaré et une part non, sûrement soumise au nombre d'amendes du mois, aux coûts des véhicules de location et au manque de chiffre d'affaires que provoque ce système. Le livreur cumulant trop de livraison en retard ne verra pas son contrat renouvelé.

Si tout ce qui est montré dans le reportage est réel, il est fort dommage qu'un procureur en mal de notoriété ou un parlementaire en addiction à la notoriété ne plongent pas leur regard à caméras assistées sur ces contrats de sous-traitance... C'est tout de même digne de l'usine du dix-neuvième siècle de voir des amendes de retard équivalentes au revenu à la pièce.


Certes, le reportage aborde un autre problème de la livraison en visitant un concurrent, mais il aurait été appréciable de voir si les concurrents de La Poste usent des mêmes ficelles avec le même argument ultralibéral : si les sous-traitants ont signé ce contrat, c'est qu'il leur convient, dit le cadre postal sans cravate depuis le coin de son bureau...

Et qu'il faut confronter au témoignage d'un client, dirigeant une petite entreprise de design : les trois colis reçus lui ont coûté soixante euros de port... quant le sous-traitant touchera quelques piécettes pour sa peine, alors que « le dernier kilomètre » menant du dépôt au destinataire constituerait le tiers du coût du transport d'un colis...


Si Coliposte - et donc ses sous-traitants visiblement - assure un service visiblement convenable depuis que je vis à Montpellier, j'avais vécu quelques aléas à Paris (retards peu graves, mais une livraison posée contre ma porte dans le couloir de l'immeuble ?!!). C'est alors que j'avais émis l'idée que le client d'une entreprise de vente par correspondance devrait avoir le choix du prestataire de la livraison de ses biens commandés.

Car, pour ne pas être hypocrite quand nous cliquons pour une commande, il serait intéressant de prendre pleinement conscience du coût social de l'ensemble des choix de livraison : express avec stress des livreurs sur-amendés ? Livraison à domicile ou en points-relais : mon confort au détriment de ceux des livreurs parcourant toutes les rues de la villes, une à une, ou délivrance collective dans des points précis largement ouverts ?


Aller plus loin :
le même lundi vingt-et-un, Olivier Razemon, dans L'interconnexion n'est plus assurée, son blog sur les transports et les déplacements hébergé par LeMonde.fr, propose un rappel que les frais de port ne sont jamais gratuits quoiqu'en disent nos factures d'achats par correspondance... ni économiquement, ni socialement, ni environnementalement.

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