samedi 30 janvier 2016

Correspondance ukrainienne entre Timbres Magazine et Gibbons Stamp Monthly

De mémoire, il me semble que le centenaire de la Première Guerre mondiale a donné très peu d'articles d'histoire postale dans la presse philatélique britannique et française... Même si les nombreuses émissions commémoratives ont permis de noircir du papier.

Cependant, côté britannique, il y a un intérêt pour la philatélie et l'histoire postale de l'Europe centrale et orientale dont la géopolitique a été bouleversée par l'implosion de l'empire d'Autriche et royaume de Hongrie, le renversement de l'Empire russe et la révolution bolchevique, et enfin, la défaite de l'Empire allemand.

Les causes sont multiples, mais ce ne sont que des hypothèses. L'attrait des premiers timbres-poste de nouveaux pays attire autant que l'histoire postale d'États et de régimes éphémères : les connaître n'est pas facile à cause de leur disparition rapide, mais les recherches autant encycoplédiques que philatéliques sont finies par cette durée.

Restait pour m'inspirer un article une coïncidence : deux articles qui se répondent l'un l'autre sur ce thème dans deux magazines d'origine différente.


Dans le numéro de février 2016 de Timbres magazine, le champion de la thématique « Les classiques de France et ses colonies », Laurent Veglio quitte le domaine des timbres du Second Empire français sur route maritime britannique pour enfiler le costume du spécialiste de l'Autriche.

Il conte avec abondance documentaire - dont de fort pertinentes cartes - l'ouverture du « premier service postal aérien international » entre Vienne et Kiev en mars 1918, marquée par la surcharge Flugpost de timbres autrichiens. La poste impériale tirait profit de la paix de Brest-Litovsk sur le front oriental et de la reconnaissance d'une Ukraine indépendante, fournisseur de matières premières tandis que la guerre s'éternise à l'Ouest et se développe toujours au Sud, dans les Balkans.

Alors qu'une seconde ligne vers Odessa via Budapest et Bucarest démarre à peine en juillet 1918 qu'elle s'interrompt suite à deux accidents aériens, la ligne vers Kiev est stoppée en octobre avec les premiers signes de l'implosion de l'empire multinational. Entre autres, les Polonais ont été braqués par une clause du traité avec l'Ukraine : en effet, les empires centraux avaient créé, en 1916, un royaume de Pologne sur les territoires polonais pris à la Russie. Mais voilà que Vienne offrait la région de Chelm à l'Ukraine... Nul problème donc pour la Pologne de lancer une guerre contre l'Ukraine occidentale, à peuplement multinational, dès novembre 1918.

Une Ukraine tout aussi complexe alors que les entrailles de l'empire d'Autriche-Hongrie comme le résume sportivement Laurent Veglio dans une note infra-paginale en se contentant de ce qu'il se passe à Kiev : indépendantistes divisés entre rejoindre l'Alliance ou l'Entente, communistes pro-Russes ou en faveur d'une Ukraine isolée.


C'est là que le numéro du même mois de Gibbons Stamp Monthly arrive juste à temps pour approfondir cette division grâce à Edward Klempka.

Il passe donc en revue les Ukraines philatéliques de 1918 à 1921, avec force timbres, enveloppes et même un mandat postal, à commencer avec l'Ukraine occidentale, partie de l'Empire d'Autriche, où une République populaire déclare son indépendance le premier novembre 1918 et se retrouve donc en guerre contre la Pologne.

Dans le reste de l'Ukraine d'alors, partie du défunt Empire russe et encore sous occupation allemande, deux régimes s'affrontent : la République populaire à Kiev et une république des Soviets à Kharkiv. Là, le philatéliste reprend la main sur la complexité : les aléas économiques et politiques en Russie, notamment une inflation importante, entraînèrent un afflux de timbres de l'Empire vers l'Ukraine où les autorités firent surchargés leurs stocks du trident, symbole national, pour protéger les revenus des postes. Un régal de spécialiste avec six villes présentées par Klempka et l'évocation de toutes les initiatives locales...

Les deux républiques populaires s'unirent formellement le vingt-deux janvier 1919, mais d'origines administratives différentes et occupées par ces nombreux conflits (contre la Pologne d'un côté, les Bolcheviques et soviets ukrainiens de l'autre), elles restèrent finalement séparées.


Tout ceci prit fin difficilement en deux grandes phases - pour simplifier très sportivement : la victoire de la Russie soviétique en Ukraine d'abord, ce qui établit définitivement la République socialiste soviétique d'Ukraine. Fin de l'indépendance ukrainienne dans la partie impériale russe jusqu'en 1991.

Ensuite, la paix de Riga du dix-huit mars 1921 mit fin au conflit entre la Pologne d'une part, et les Républiques désormais soviétiques d'Ukraine et de Biélorussie, protégées par la Russie, d'autre part. Cela établit la carte de l'Europe en 1920, fort connue des anciens collégiens et lycéens de France sur laquelle l'Ukraine occidentale peuplée de Polonais et d'Ukrainiens se retrouvaient dans le sud-est de la République polonaise.

Pfiou... Ça relativise les motivations françaises et allemandes de 1914.

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