samedi 31 décembre 2016

Bénin et Cameroun, deux philatélies franco-sino-anglophones actuelles

Comment découvrir la philatélie actuelle des postes de pays ayant d'autres préoccupations quotidiennes que de suivre les goûts et désirs des collectionneurs d'Europe ?

Les sociétés philatéliques spécialisées et leurs membres semblent constituer une bonne partie de la réponse, mais pas toute.
Le cinq cents francs CFA permettait d'envoyer une lettre pour l'Europe jusqu'à dix grammes (base Colnect dont les membres n'ont pas encore proposé les versions surchargées).
Après accumulation de toutes les informations accessibles et d'une bonne quantité de courrier, Nicholas Pertwee a pu étudier la série des sept timbres au type Zin Kaka du Bénin (nom local du singe à ventre rouge) depuis leur émission en 2003 à leurs surcharges pour nécessité de service et de tarifs postaux en 2008.

Une « affaire de singe » sur laquelle il a rédigé un dossier en deux parties paru dans le journal de la France & Colonies Philatelic Society (UK) en septembre 2015 et mars 2016. Comment Adéchola Abathan, ou un metteur en page, ou l'imprimerie Cartor choisirent les couleurs des cadres et la taille des polices entre nécessité postale et information du public sur cette espèce menacée.

Et, ensuite, passions philatéliques traditionnelles connues : l'analyse - autant qu'elle est possible à partir des courriers et timbres trouvés - des usages postaux et des types de surcharges par variation de la police. Pour les oblitérations, retrouver les numéros de novembre et décembre 2015 de Gibbons Stamp Monthly.

Heureuse initiative d'en voir une version française en cinq pages abondamment illustrées dans le numéro de janvier 2017 de Timbres magazine.

Par contre, je ne sais que dire de l'initiative évangélique de SOON, association à vocation religieuse et éducative (notamment des journaux en plusieurs langues africaines, des cours d'anglais), dont l'activité a suscité suffisamment de lettres du Bénin vers l'Angleterre... pour permettre l'étude de Pertwee.
Lettre oblitérée du vingt juin 2016 du Cameroun vers la France, affranchie avec timbres imprimés par Phil@poste Boulazac (collection Éric Contesse, Blog timbré de ma philatélie, dimanche vingt-quatre juillet 2016, reproduite avec autorisation - merci).
À défaut de disposer d'un destinataire de courrier en masse, être sur place peut aider à voir et, parfois, comprendre comment la poste se débrouille avec son budget pour émettre selon les besoins de service et de commémoration nationale, gérer ses stocks tout en essayant de toucher les collectionneurs.

Et pour Cameroon Postal Services (CamPost, établie en 2004), la première moitié de la décennie 2010 ne fut pas facile à lire les « observations » de Marc Parren sur les nouvelles émissions de 2009 à 2015, publiées dans le numéro 98 de Cameo, la revue du West Africa Study Circle (index au format Excel en bas à gauche de cette page-ci). Les titres et l'ironie sont de moi, Parren ayant suivi un plan chronologique par émission après une introduction générale.

Ne pas oublier de payer l'imprimeur.
Après le non-paiement de l'émission sur la visite papale de 2009, Cartor refusa d'imprimer celle du cinquantenaire de l'indépendance l'année suivante... qui fut confiée à un imprimeur thaïlandais, la Thai British, qui fournit aussi six timbres différents et deux formes de vente inhabituelles au Cameroun : un carnet courant et un carnet de prestige (CamPost a-t-elle dû composer avec un forfait ? Ou a essayé de toucher les collectionneurs étrangers et les marchands de nouveautés ?).

Faire payer le sujet de l'émission alors, puis par les collectionneurs.
Pour se réconcilier avec Cartor, l'émission du premier vol de la Camair-Co fut financée par la compagnie aérienne elle-même et fut remboursée sur le prix du feuillet en forme d'avion et des enveloppes premier jour avec cachets du premier vol, tous vendus bien au-dessus de la faciale.

Confier son projet à un ami.
L'émission sur l'amitié avec la République populaire de Chine est la dernière affaire : à lire Marc Parren, le projet de CamPost passa sous le contrôle unilatéral de l'ambassade du Cameroun à Pékin avant, semble-t-il de finir dans celui de Pékin. Que dire alors puis la cérémonie premier jour eut lieu quand il plut à l'ambassade de Chine à Yaoundé ! D'autant plus facilement que c'est elle qui avait reçu les timbres...

Pour découvrir enfin que l'imprimeur officiel chinois au Henan a imprimé trois feuillets qui ne sont jamais parvenus au Cameroun...

Parren explique qu'aucun chiffre de tirage n'est connu car l'ambassade chinoise ne veut pas les fournir. Une histoire de « singes bienséants » donc.

Bref, faire simple.
Après ces péripéties, Cartor imprima trois émissions fort simples, une en 2011 sur la découverte du sida, deux en 2014 sur la modernisation des activités postales (projet E-Post de data center et le service express EMS).

Ce sont aussi les premières pour lesquelles CamPost n'a plus proposé d'enveloppes premier jour. Renoncement à atteindre le marché des collectionneurs internationaux, finalement bien coûteux à tout point de vue ?

Faire jouer la concurrence.
Comment le programme camerounais passa-t-il sous les presses de l'imprimerie de La Poste française, à Boulazac ?

En 2015, par le choix du nouveau directeur français de CamPost avec retirage immédiat du deux cents cinquante francs E-post, suivi de deux émissions - actuellement non déclarée sur le site du Système de numérotation de l'Association mondiale de promotion de la philatélie (WNS), pas connus des participants de Colnect.

La première, illustrée ci-dessus à partir de la lettre reçue par Éric Contesse qu'il a présentée en juillet 2016 sur son Blog timbré de ma philatélie, marque l'inauguration du monument des cinquantenaires (indépendance et réunification) à Buéa, dans l'ancien Cameroun du Sud sous mandat britannique... un an et demi après l'événement présidentiel du dix-huit février 2014. En effet, les deux timbres (un rectangulaire et un rond) sont disponibles depuis le douze novembre 2015.

La seconde est consacrée au port en eau profonde de Kribi, construit par une compagnie chinoise, et ne comprend qu'un seul timbre sur les deux prévus. Pour le nouveau directeur, inutile d'avoir deux timbres de même valeur faciale émis la même année.

Sur cette gestion au plus juste des émissions, de leurs tirages et des valeurs faciales, Parren rédige un paragraphe sur ce qu'il est possible de trouver dans les bureaux de poste depuis les deux métropoles de Douala et Yaoundé

Un risque politique ?
Un petit détail est à relever hors-philatélie depuis 2014, noté par les deux philatélistes : la disparition de la mention en anglais du nom du pays (Republic of Cameroon)... même pas sur l'émission consacrée à la réunification sur un événement et un monument qui concerne directement les Anglophones.

Un fait surprenant alors que, dans les années 2000, les entreprises publiques ont été nommées en anglais : Cameroon Postal Services (voir oblitération sur la lettre ci-dessus), Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co)... L'article de la Wikipédia en anglais signale que les Camerounais anglophones sont à la fois fort représentés dans la vie politique nationale, et qu'il y a un mouvement sécessionniste dans les deux provinces de l'ancien Cameroun du Sud...
La couverture de Timbres en guerre, issu de la recherche universitaire (Presses universitaires de Rennes, 2016).
Entre les coulisses de l'émission sino-camerounaise et cette disparition anglophone, il y a de quoi motiver des recherches dans la presse en ligne camerounaise et chinoise, ainsi que les archives postales et gouvernementales...

... sur le modèle des historiens Alain Croix et Didier Guyvarc'h sur les timbres liés aux deux Guerres mondiales (Timbres en guerre commandé, reçu, introduction (pdf dans l'onglet « Documents ») et premier chapitre déjà lus : intellectuellement passionnants en philatélie et en histoire comme en φl@télie (organisée) et en Ͱistoriographie.

Complément du dimanche dix-neuf février 2017 :
Les relations unilatérales entre la République populaire de Chine et les diverses postes du monde sont confirmées par un article d'Arslan Slemane, paru dans El Watan le dix-neuf janvier dernier : trois timbres hors-programme imposés, un bloc spéculé, aucune contre-partie d'une émission conjointe...

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