lundi 8 mai 2017

L'Afrique francophone, un triangle des Bermudes philatélique ?

Qu'il est difficile de suivre les timbres émis - et utilisés réellement - dans plusieurs pays d'Afrique. Certes, ne nous plaignons pas : la complainte est habituellement contre les timbres émis pour ne pas servir par des opérateurs philatéliques très bons communic@nts.

En un week-end, ce sont trois exemples de plus qui me sont apparus. Si vous avez des informations sur les deux premiers, n'hésitez à vous inscrire sur les forums anglophones de discussion StampBoards.com ; pour le troisième, écrire au secrétariat de la RPSL.

Mystérieux petit timbre du Niger
Le premier sujet est causé par la confusion d'un collectionneur canadien confrontant deux éditions du même catalogue à un timbre oblitéré de cent vingt-cinq francs CFA, émis par le Niger en 1997.
Le timbre en hommage au Professeur Abdou Moumouni Dioffo, neuf tel qu'il peut être trouvé sur des sites de ventes aux enchères (ici via Hipstamp).
Le sujet est un scientifique nigérien, Abdou Moumouni Diasso, formé à l'université française et qui a professé et étudié ensuite dans plusieurs universités d'Afrique francophone. Son héritage est le développement de l'énergie solaire au Mali et au Niger, après un passage où il l'étudia en Union soviétique. Un parcours intéressant entre fin de l'époque coloniale et non alignement dans la Guerre froide.

L'effigie est signée du graveur français André Lavergne et imprimé par Cartor [probablement pas en taille-douce].

Dans son édition datée 2009, le catalogue mondial Scott le cotait, rapporte le forumeur, soixante cents (USD) neuf et trente cents oblitéré. En 2016, c'est cent vingt-cinq dollars neuf ! Alors que plusieurs ventes sur des sites d'amateurs d'enchères débutent à dix cents...

Et une prudence à ne pas le coter du tout un oblitéré tel que possédait par le collectionneur. Le coup de tampon a donné une marque incomplète, mais un modèle à la française se distingue bien.

Une rareté méconnue ? Un tarif peu usité ? Ouvrez vos classeurs de timbres et vos boîtes d'enveloppes aux bois dormants !

Un membre rapporte la réponse d'un rédacteur adjoint du catalogue états-unien : les listes des pays d'Afrique francophone dépendent énormément des diplomates philatélistes des États-Unis qui visitent les bureaux de poste et transmettent informations et timbres à l'éditeur.

Les voyages forment le philatéliste.

La Tunisie a-t-elle eu des distributeurs de timbres ?
Le même jour, c'est une série de quatre timbres de distributeur, avec valeur à la demande, qui suscite le questionnement d'un collectionneur états-unien.
Un des quatre timbres proposés dans une vente sur le site Delcampe.
Ces timbres reprennent des illustrations de timbres du programme de 1999 et 2000 : une production agricole (l'oranger), deux vestiges archéologiques romains (les thermes de Bulla Regia et l'acqueduc de Zaghouan) et le Catharge, ferry reliant Tunis à Marseille et Gênes.

La machine qui les a débitées doit être de type Klussendorf, tel les timbres de distributeur allemand.

Sauf que les catalogues et sites spécialisés dans ces timbres ne connaissent pour la Tunisie que les Frama de 1992 à 2012 (période selon The Meter Stamp Society ; un autre site intéressant par ici). Les tomes Afrique du Nord et timbres de distributeur de l'éditeur Michel ne liste pas ces quatre-là.

Essais commandés lors d'une recherche de nouveaux automates ?

Premières réponses en mai 2017 :
Sur StampBoards, un membre a contacté l'Association tunisienne de philatélie (adresse : Maison de la culture Ibn Khaldoun, Tunis) qui a répondu qu'il y a bien eu une machine de ce type à Tunis. Mais, tombée en panne, elle ne put être réparée et fut abandonnée. En tout, les collectionneurs ont ces quatre illustrations existant en cinq valeurs différentes.

La Côte d'Ivoire et son congrès UPU
Enfin, avec l'arrivée du numéro de mai 2017 du London Philatelist, Marc Parren propose un article d'histoire postale africaine, française et ivoirienne.
La plus forte des trois valeurs du feuillet à surtaxe pour l'annonce du vingt-troisième congrès de l'UPU à Abidjan, prévu en 2004, émis en décembre 2001 (via Colnect).
Le congrès de l'Union postale universelle de 2020 en Côte d'Ivoire compte déjà deux émissions de timbres, dont une de 2001 !

Initialement, le pays aurait dû accueillir l'institution internationale des postes nationales en 2004 à Abidjan. Cependant, la division du pays et les violences après l'élection présidentielle de 2000, elle-même concluant une période de dictature militaire de 1999, empêchent l'événement jusqu'en 2015 quand le pays obtient de ses partenaires de l'Union postale panafricaine d'être le seul candidat au congrès de l'UPU de 2020. Au congrès d'Istanbul en 2016, un congrès extraordinaire est programmé à Addid-Abbeba en 2018 et le vingt-septième congrès en Côte d'Ivoire en 2020 donc.
Un timbre sur un site classé de l'Unesco émis quatre mois après la conférence qu'il signale (Système de numérotation de l'Association mondiale pour le développement de la philatélique... le WNS).
L'histoire de l'émission de 2001 et celle de lobbying de 2005 (bureau de poste de Grand Bassam au moment de la conférence stratégique de l'UPU en avril à Genève) est détaillée sous le clavier de Marc Parren.

L'histoire postale militaire est expliquée : Opération Licorne française (2002-2015) et son Bureau postal interarmées 627 à Port-Bouet, puis Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (toujours en cours, effectifs par pays participants, et illustrée d'un aérogramme onusien par Parren).

La longueur des opérations, le nombre de pays engagés, les changements récents dans l'organisation des postes militaires françaises font que cet article met le pied à l'étrier pour une recherche de courrier ivoirien ou militaire.

Par exemple, en explorant le blog La Poste aux armées, un article illustré sur le Service postal à l'international pour la défense (SPID) et l'Opération Licorne en 2014.

La note du soir-même:
Le SPID est exercé par un partenariat entre La Poste et Sodexo, le groupe de services aux entreprises, de restauration collective et de logistique. Le contrat avec le ministère de la Défense a débuté en 2012, mis en place progressivement (explorer La Poste aux armées), et renouvelé pour quatre années comme un communiqué l'annonçait le vingt-deux février dernier (attention fichier pdf).

Conclusion :
En philatélie comme dans l'histoire des Européens dans le monde, les historiens Bertrand Hirsch et Yann Potin ont bien raison de dire que l'Afrique fut « le continent détourné » du quinzième au dix-neuvième siècle : évité, contourné, ignoré, méprisé des Européens qui n'en aborde les côtes que pour les achats d'esclaves.

Les collectionneurs de timbres, nouveaux explorateurs du continent comme au dix-neuvième ou navigateurs contournant du quinzième vers les vignettes thématiques des agences philatéliques ?

Référence : Bertrand Hirsch et Yann Potin, « Le continent détourné. Frontières et mobilité des mondes africains », dans Patrick Boucheron (direction), Histoire du monde au XVe siècle, 2009. Plusieurs éditions existent (grand format luxueux, deux tomes en poche, etc.).

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